Futur char franco-allemand : encore beaucoup d'obstacles à surmonter
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Futur char franco-allemand : encore beaucoup d'obstacles à surmonter
En février 1980, et après une première tentative infructueuse une vingtaine d’années plus tôt, la France et l’Allemagne signèrent un « accord de principe » pour développer, en commun, « l’Engin principal de combat » [EPC], c’est à dire un nouveau char destiné à remplacer l’AMX-30 et les Leopard 1/2, avec à la manoeuvre le Groupement industriel des armements terrestres [GIAT, dont est issu Nexter] et MKS [Mak-Kraus Maffei – Sondertechnik GMBH, désormais Krauss Maffei Wegmann]. La suite est connue : ce qui passait pour acquis ne l’était pas… Et chacun reprit ses billes. D’où la mise au point du Leclerc et des versions successives du Leopard 2.
En sera-t-il autrement pour le « Main Ground Combat System » [MGCS], soit le char franco-allemand appelé à succéder au Leclerc et au Leopard 2 à l’horizon 2035? Comme en février 1980, une lettre d’intention a déjà été signée, en donnant à l’Allemagne la responsabilité de conduire ce programme. Et, cette fois, Nexter Systems et Krauss Maffei Wegmann ont pris les devants en créant une co-entreprise, KNDS.
Lors du salon Eurosatory, dédié à l’armement terrestre, cette co-entreprise a même présenté l’Euro Main Battle Tank [EMBT], qui a ainsi été le premier char de conception franco-allemande [à partir du châssis du Leopard 2A7 et de la tourelle du Leclerc, ndlr]. Devant être disponible d’ici 2021, il est question de le destiner à l’export, principalement en Europe, afin de pas poser de cas de conscience à Berlin.
Pour autant, cet EMBT ne préfigure pas ce que sera le char de combat du futur… Et avant de le voir entrer en dotation au sein de l’armée de Terre et de la Deutsches Heer, il faudra surmonter plusieurs obstacles. Et non des moindres.
En réalité, ces difficultés, qu’il « ne faut pas minimiser », selon le général Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], sont, grosso modo, les mêmes que pour le Système de combat aérien du futur [SCAF], dont la conduite a été confiée à la France.
Le premier obstacle porte sur les éventuelles exportations de ce futur char de combat, la vision allemande étant, du moins dans les discours, plus restrictive que celle défendu par les autorités françaises. Cette question a déjà donné lieu à des frictions entre Paris et Berlin au sujet du SCAF.
Dans son rapport pour avis sur les crédits alloués à l’Équipement des forces pour 2019, le député Jean-Charles Larsonneur souligne que « les entraves possibles à l’exportation des matériels sont bien identifiées comme le principal facteur de risque dans les coopérations franco-allemandes. »
Une seconde difficulté concerne les besoins propres aux forces terrestres des deux pays. Or, comme l’a rappelé le CEMAT aux sénateurs, « le char de bataille est un élément structurant de l’armée de terre allemande, et les Allemands sont sensibles aux questions de l’armement principal de cet engin, de sa motorisation et de sa protection. » Normalement, une « lettre commune » visant à préciser ces besoins devrait être publiée en décembre prochain.
« Puis viendra la partie industrielle, pour laquelle les échanges seront sans doute plus compliqués. En effet, l’architecture industrielle allemande est très puissante face à des industriels français historiquement moins unis », a expliqué le général Bosser.
Justement, même si Nexter et KMW ont uni leurs forces au sein de KNDS, il faut encore que leurs équipes respectives apprennent à travailler ensemble.
« L’horizon encore assez lointain du programme représente une limite dans cette dynamique de rapprochement industriel », écrit M. Larsonneur dans son rapport. « Certes, il laisse aux deux partenaires le temps d’organiser ‘la mise en commun de leurs processus, méthodes et outillages de production’ avant le lancement de la phase de réalisation du programme MGCS. Mais le rapprochement industriel franco-allemand à l’œuvre doit passer par des développements conjoints permettant de familiariser les équipes à un travail commun et d’assurer le maintien des compétences », ajoute-t-il. D’ailleurs, l’EMBT s’inscrit dans cette démarche.
Seulement, il ne suffit pas de développer un nouveau char de combat : il s’agit aussi de mettre au point les technologies de combat collaboratif connecté, sans lesquelles il n’est qu’un canon monté sur des tonnes d’acier et des chenilles. Or, comme pour le SCAF, où la partie française voudrait voir Thales jouer un rôle majeur [ce qui n’est pas le cas de l’allemand, ndlr], il pourrait y avoir un désaccord entre Paris et Berlin dans la mesure où, côté français, l’on a quelques arguments à faire valoir avec le programme Scorpion.
« Sans remettre en cause le leadership allemand dans ce domaine, il faut reconnaître que la France aura une avance technologique majeure en matière de combat collaboratif connecté avec l’opération Scorpion. Il conviendra donc de veiller à ce que cette dimension du combat terrestre soit dûment prise en compte, faute de quoi les capacités blindées françaises connaîtraient même une régression par rapport aux capacités Scorpion », prévient en effet M. Larsonneur.
Par ailleurs, l’Allemagne profite à plein du concept de « Nation-Cadre », élaboré par l’Otan en 2012. Ces dernières années, elle a ainsi mené une politique de coopération [voire « d’intégration »] militaire avec plusieur pays, dont, notamment, les Pays-Bas.
« La vision française de cet outil excluait toute dimension capacitaire poussée. Mais on ne peut exclure que l’Allemagne s’en serve néanmoins pour prendre une position de force sur certains marchés. Cette construction lente, ‘bottom-up’, s’est illustrée jusqu’à présent par peu d’efforts de communication mais par des réalisations substantielles », relève M. Larsonneur.
Citant Antoine Bouvier, le Pdg du missilier MBDA, « l’interpénétration des enjeux capacitaires et opérationnels est profonde » étant donné que « les États partenaires de l’Allemagne ont souscrit l’engagement de porter au standard le plus élevé leurs capacités des chars de combat, ce qui constitue une formidable opportunité pour KMW », poursuit le député.
« Cette opportunité est par nature d’autant plus grande que l’intégration des capacités militaires concernées est poussée. Or, l’armée de terre néerlandaise ne pourrait désormais plus être déployée sans la Bundeswehr, tant leur intégration capacitaire est profonde. L’Allemagne, dans ce schéma, tient un rôle d’intégrateur des capacités européennes », conclut-il.
En sera-t-il autrement pour le « Main Ground Combat System » [MGCS], soit le char franco-allemand appelé à succéder au Leclerc et au Leopard 2 à l’horizon 2035? Comme en février 1980, une lettre d’intention a déjà été signée, en donnant à l’Allemagne la responsabilité de conduire ce programme. Et, cette fois, Nexter Systems et Krauss Maffei Wegmann ont pris les devants en créant une co-entreprise, KNDS.
Lors du salon Eurosatory, dédié à l’armement terrestre, cette co-entreprise a même présenté l’Euro Main Battle Tank [EMBT], qui a ainsi été le premier char de conception franco-allemande [à partir du châssis du Leopard 2A7 et de la tourelle du Leclerc, ndlr]. Devant être disponible d’ici 2021, il est question de le destiner à l’export, principalement en Europe, afin de pas poser de cas de conscience à Berlin.
Pour autant, cet EMBT ne préfigure pas ce que sera le char de combat du futur… Et avant de le voir entrer en dotation au sein de l’armée de Terre et de la Deutsches Heer, il faudra surmonter plusieurs obstacles. Et non des moindres.
En réalité, ces difficultés, qu’il « ne faut pas minimiser », selon le général Bosser, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], sont, grosso modo, les mêmes que pour le Système de combat aérien du futur [SCAF], dont la conduite a été confiée à la France.
Le premier obstacle porte sur les éventuelles exportations de ce futur char de combat, la vision allemande étant, du moins dans les discours, plus restrictive que celle défendu par les autorités françaises. Cette question a déjà donné lieu à des frictions entre Paris et Berlin au sujet du SCAF.
Dans son rapport pour avis sur les crédits alloués à l’Équipement des forces pour 2019, le député Jean-Charles Larsonneur souligne que « les entraves possibles à l’exportation des matériels sont bien identifiées comme le principal facteur de risque dans les coopérations franco-allemandes. »
Une seconde difficulté concerne les besoins propres aux forces terrestres des deux pays. Or, comme l’a rappelé le CEMAT aux sénateurs, « le char de bataille est un élément structurant de l’armée de terre allemande, et les Allemands sont sensibles aux questions de l’armement principal de cet engin, de sa motorisation et de sa protection. » Normalement, une « lettre commune » visant à préciser ces besoins devrait être publiée en décembre prochain.
« Puis viendra la partie industrielle, pour laquelle les échanges seront sans doute plus compliqués. En effet, l’architecture industrielle allemande est très puissante face à des industriels français historiquement moins unis », a expliqué le général Bosser.
Justement, même si Nexter et KMW ont uni leurs forces au sein de KNDS, il faut encore que leurs équipes respectives apprennent à travailler ensemble.
« L’horizon encore assez lointain du programme représente une limite dans cette dynamique de rapprochement industriel », écrit M. Larsonneur dans son rapport. « Certes, il laisse aux deux partenaires le temps d’organiser ‘la mise en commun de leurs processus, méthodes et outillages de production’ avant le lancement de la phase de réalisation du programme MGCS. Mais le rapprochement industriel franco-allemand à l’œuvre doit passer par des développements conjoints permettant de familiariser les équipes à un travail commun et d’assurer le maintien des compétences », ajoute-t-il. D’ailleurs, l’EMBT s’inscrit dans cette démarche.
Seulement, il ne suffit pas de développer un nouveau char de combat : il s’agit aussi de mettre au point les technologies de combat collaboratif connecté, sans lesquelles il n’est qu’un canon monté sur des tonnes d’acier et des chenilles. Or, comme pour le SCAF, où la partie française voudrait voir Thales jouer un rôle majeur [ce qui n’est pas le cas de l’allemand, ndlr], il pourrait y avoir un désaccord entre Paris et Berlin dans la mesure où, côté français, l’on a quelques arguments à faire valoir avec le programme Scorpion.
« Sans remettre en cause le leadership allemand dans ce domaine, il faut reconnaître que la France aura une avance technologique majeure en matière de combat collaboratif connecté avec l’opération Scorpion. Il conviendra donc de veiller à ce que cette dimension du combat terrestre soit dûment prise en compte, faute de quoi les capacités blindées françaises connaîtraient même une régression par rapport aux capacités Scorpion », prévient en effet M. Larsonneur.
Par ailleurs, l’Allemagne profite à plein du concept de « Nation-Cadre », élaboré par l’Otan en 2012. Ces dernières années, elle a ainsi mené une politique de coopération [voire « d’intégration »] militaire avec plusieur pays, dont, notamment, les Pays-Bas.
« La vision française de cet outil excluait toute dimension capacitaire poussée. Mais on ne peut exclure que l’Allemagne s’en serve néanmoins pour prendre une position de force sur certains marchés. Cette construction lente, ‘bottom-up’, s’est illustrée jusqu’à présent par peu d’efforts de communication mais par des réalisations substantielles », relève M. Larsonneur.
Citant Antoine Bouvier, le Pdg du missilier MBDA, « l’interpénétration des enjeux capacitaires et opérationnels est profonde » étant donné que « les États partenaires de l’Allemagne ont souscrit l’engagement de porter au standard le plus élevé leurs capacités des chars de combat, ce qui constitue une formidable opportunité pour KMW », poursuit le député.
« Cette opportunité est par nature d’autant plus grande que l’intégration des capacités militaires concernées est poussée. Or, l’armée de terre néerlandaise ne pourrait désormais plus être déployée sans la Bundeswehr, tant leur intégration capacitaire est profonde. L’Allemagne, dans ce schéma, tient un rôle d’intégrateur des capacités européennes », conclut-il.
MARCUS-VERUS- Maréchal Des Logis Chef
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Date d'inscription : 21/04/2017
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